Crise de la dette en Italie : solutions nationales ou européennes ?

Suite à l’abaissement de sa note souveraine par les trois principales agences de notation en moins d’un mois, les projecteurs se tournent désormais vers la péninsule. La crise de la dette, qui frappe l’ensemble des Etats de la zone euro, met au grand jour les lacunes de la troisième économie européenne, dont les marchés se méfient de plus en plus. L’avenir de l’Europe monétaire s’y joue certainement.

L’Italie peut-elle faire couler l’Euro ? Une question légitime aujourd’hui, étant donné les doutes concernant la soutenabilité de la dette colossale du pays, atteignant 120% du PIB, soit 1900 milliards d’euros. Le plan de rigueur du gouvernement, adopté à la rentrée suite aux attaques spéculatives dont le pays a fait l’objet cet été, n’a pas vraiment convaincu les marchés financiers, faute d’agir sur une reprise de la croissance.

 Toutefois, bien que très élevée, 55% des 120% de la dette sont détenus par l’épargne domestique, cest-à-dire par les ménages nationaux. Celle-ci n’est donc pas financée exclusivement par des pays étrangers, où le risque de spéculation sur les marchés financiers est plus fort. Son déficit public est plus faible que certains pays majeurs de la zone euro, comme la France ou l’Espagne. Les banques sont assez stables, les entreprises restent actives, et les foyers demeurent relativement aisés. En effet, la richesse brute des familles italiennes dépasse celle de leurs voisins européens et même celle des Américains.



Une crise de crédibilité.


L’ Italie présente donc un bilan en demi-teinte, pas aussi catastrophique que le prétendent certains dirigeants politiques ou médias. Pourquoi, alors, la crainte de son effondrement se développe-t-elle ? La réponse est double. Il s’agit d’une part d’un cercle vicieux, symptomatique d’une crise de confiance, où les doutes sur la santé d’une économie exagèrent ses points faibles, sans pour autant se baser sur des éléments objectifs. La faible crédibilité internationale du Président du Conseil Silvio Berlusconi amplifie cette spirale négative. Associée à cette crise de crédibilité, c’est la paralysie décisionnelle du gouvernement qui porte préjudice à la péninsule. Les investisseurs se méfient d’un exécutif fragile et douteux, jugé incapable d’apporter des réformes structurelles claires pour relancer la croissance, second point négatif.



Une faible croissance, problème structurel.
Si l’Italie est pointée du doigt, c’est aussi parce que sa croissance est en berne. Celle-ci sera vraisemblablement inférieure à 1% du PIB en 2011. Les facteurs de cette situation sont multiples et constituent des défis colossaux qu’il faudra surmonter. Tout d’abord, si la richesse privée des Italiens est grande, celle-ci ne produit pas de croissance. Ils préfèrent épargner ou investir dans l’immobilier pour se couvrir des risques, privant le pays d’une dynamique productive. La demande interne faiblit, le gouvernement ayant voulu privilégier les salaires moyens et élevés. Le taux de chômage tourne aujourd’hui autour de 8% et frappe très fortement les jeunes, qui partent de plus en plus à l’étranger. En outre, depuis l’adoption de la monnaie unique, l’Italie éprouve des difficultés à exporter ses produits que la lire rendait compétitifs. Le patrimoine culturel et les perspectives de développement écologique sont gigantesques
mais sous-exploités. Enfin, l’évasion fiscale et les activités mafieuses sont une plaie qui reste incurable. Selon la version officielle, le travail au noir représenterait près de 24% du PIB. Voilà pourquoi la question de la contagion aux autres pays de la zone euro est devenue, petit à petit, une réalité. Même si l’Italie ne présente pas un risque imminent de défaut de paiement comme la Grèce, dont les plans de sauvetages sont peu efficaces, des solutions doivent être trouvées à temps afin d’éviter un scénario catastrophe. Les autres Etats ont compris qu’ils ne pouvaient laisser couler un navire si important, car il entraînerait les autres dans sa chute.



Une responsabilité nationale et européenne.


Les problèmes sont réels et doivent être pris au sérieux, mais les solutions existent. C’est un problème à affronter au niveau national et européen, le sort du pays n’étant pas totalement entre les mains des marchés financiers. Le plan de rigueur de 54 milliards d’euros, dicté par l’Union Européenne et adopté mi-septembre, a au moins calmé un tant soit peu la tourmente. La recapitalisation des banques et la ratification du traité permettant l’élargissement des ressources du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) par les 17 Etats de l’euro-zone vont également dans ce sens. La réunion du Conseil Européen, mercredi 25 octobre, a porté le montant de ce bouclier à 1000 milliards d’euros. La hausse de ce fonds, destinée à garantir une partie de la dette de l’Espagne et de l’Italie, va éviter une contagion à ces pays, mais ne saurait mettre un terme à la crise. La péninsule dispose d’un relatif répit qu’il convient d’exploiter : la balle est dans son camp.



2 novembre 2011 | Par François Troussier

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